1- Causez toujours, nous on avance
Je suis étonné que les gens soient si scandalisés par ce qui se passe à la FECAFOOT. Quand comprendrons-nous que le foot est la meilleure vitrine du Cameroun? Cette vitrine ne montre que ce qu’est devenu notre pays! Oui, la FECAFOOT, c’est le Cameroun en miniature. Tenez, vous souvenez-vous que des consultations avaient été lancées récemment pour savoir ce que l’opposition et la société civile avaient comme propositions pour le calendrier électoral? La tendance générale qui s’était dégagée de cette large concertation était que les sénatoriales se déroulent après les municipales et les législatives. Qu’est-ce qui a été fait par ceux qui dirigent? Eh bien, n’est-ce pas ce que la Fédé a reproduit?
2- Combien coûtent vos consciences?
La candidate à la présidence de la FECAFOOT a porté plainte contre des délégués à l’assemblée générale de la Fédé du 19 juin 2013 pour, dit-elle, abus de confiance. Elle explique que des membres du comité exécutif sont allés la voir pour lui dire que, en raison du blocage des comptes de la Fédé, les délégués venus des régions sont sans abris à Yaoundé, et n’ont rien à manger. Grand cœur, elle a donc donné de l’argent (20 millions de francs CFA environ), pour leur venir en aide. « J’ai agi en mécène », déclare-t-elle dans une interview diffusée à la radio. Seulement, après les « élections », elle exige que son argent lui soit remboursé, et porte donc plainte pour abus de confiance. Drôle de mécène qui attend une contrepartie, n’est-ce pas? Mais quelle contrepartie attendait-elle?
Eh bien, c’est le « secrétaire général » de la Ligue de Football du Littoral qui apportera la réponse dans une autre interview qu’il accorde à une radio, après avoir été relaxé du SED (Secrétariat d’Etat à la Défense) où il était interpellé, suite au remboursement effectué par le « nouveau président » de la Ligue du Littoral. Cet argent, avoue-t-il, était destiné aux délégués des régions, dans le cadre du « lobbying » des élections. En français facile, il s’agissait d’acheter les votes des délégués en faveur de la candidate.
Cela ne vous rappelle-t-il pas les sacs de riz et de maquereau, les billets de banque qui sont distribués aux populations électrices lors des consultations électorales de la scène politique au Cameroun? L’achat des votes et des consciences, pourtant interdit par les lois du pays, est un sport très pratiqué au Cameroun. Impunément! Le foot, notre vitrine, ne fait que l’exposer. Pouah!
3- Qui est la créature de qui?
Le culte de la personnalité a atteint les sommets. Même privé de liberté, le président sortant de la Fédé était obligé de se présenter à « l’élection », parce qu’aucun de ses sujets ne s’estimait avoir assez de carrure pour s’asseoir sur son trône. Des magistrats supposés de haut vol torpillent allègrement le droit, des responsables d’organismes internationaux donneurs de leçons de bonne gouvernance à nos républiques dites « bananières » prennent part à des sortes d’orgies de corruption à ciel ouvert, des jeunes gens hypothèquent ce qu’il leur restait de crédibilité et donc leur avenir, pourvu que leur dieu leur maintienne sa « bénédiction ». On ment éhontément, on tronque le savoir scientifique, on s’humilie publiquement, on pose des actes suicidaires, pour célébrer celui qui est devenu un véritable gourou. Oui, au niveau où se trouve notre foot, ces gens qui semblent avoir subi un lavage de cerveau, affirment, pince-sans-rire, que le football se porte bien au pays de Mbappè Lépé! C’est fou!
Tenez, mais c’est vrai qu’au Cameroun, il y a des hommes qui sont les créatures d’autres hommes! C’est vrai que des docteurs en doctorats et autres « élites » n’ont aucune retenue à aller dans les médias affirmer que le Cameroun se porte très bien aujourd’hui. C’est vrai que le président du Sénat au Cameroun peut nommer un Secrétaire Général, et ce dernier se retrouve à remercier plutôt Son Excellence … Oui, c’est vrai qu’en 2013, il se trouve des esprits très éclairés qui demandent déjà au Chef de l’Etat de se représenter à l’élection présidentielle de …2018!
Le foot vient encore d’étaler à la face du monde les cimes de l’ubuesque que notre pays a atteint aujourd’hui avec le culte de la personnalité. Où sont nos psys pour diagnostiquer cette maladie peu ordinaire? SOS!
4- « Observateurs ndolè »
Chaque fois qu’il y a des élections « politiques » au Cameroun, on nous annonce l’arrivée d’observateurs internationaux, et le pouvoir en place en parle à satiété, pour utiliser ces présences « neutres » comme gage de la transparence du scrutin. Et à la fin du vote, ces observateurs recherchent les micros et caméras des médias pour accorder des interviews dans lesquelles ils affirment tous, comme une leçon bien apprise, que « les élections se sont bien déroulées dans l’ensemble, malgré quelques irrégularités qui ne peuvent pas entacher le résultat final ». Ces déclarations sont reprises en boucle dans tous les médias, pendant plusieurs jours, en tout cas suffisamment longtemps pour noyer les plaintes de l’opposition relativement à l’organisation du scrutin. Et certain porte-parole peut alors monter au créneau pour « démontrer » le caractère irréprochable des élections, « d’ailleurs relevé par la communauté internationale qui a tout observé ».
Que croyez-vous que les envoyés spéciaux de la FIFA ont fait le 19 juin dernier au sortir de « l’élection » à la FECAFOOT? Eh bien, la même chose. Ils se sont volontiers prêtés aux interviews, pour déclarer qu’ils ont assisté à une élection correcte, malgré quelques récriminations qui ne manquent jamais en pareille circonstance. Et que croyez-vous que les dirigeants de la Fédé ont fait d’autre que de présenter ces interviews dans les médias comme caution à la transparence et à la crédibilité du « scrutin ».
Le Cameroun est bien l’un des champions du monde la corruption, et il n’est pas jusqu’aux étrangers (même venant des pays « civilisés ») qui ne s’y piquent quand ils s’y frottent. La crise du foot camerounais agit donc comme un révélateur puissant. Vous avez dit « observateurs ndolè »?
Charles MONGUE-MOUYEME
21 juin 2013