Le journal d un confiné
📖 La Garenne-Colombes-Jeudi 19 mars 2020 : il fait beau !
Je suis de bonne humeur. La météo nous annonce une journée sympa. De la fenêtre du 4e étage où nous sommes, je vois le soleil peine à percer au milieu de petits nuages.
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il y a 1 anLe

Le mercure affiche 14°C. Dans la cour arrière de l’immeuble, l’espace vert a pris des couleurs. Quatre familles ont sorti le matériel de pic-nic. Un couple s’est allongé sur une serviette de place. Parents et enfants se tiennent à bonne distance.
Papa se retrouve à la fenêtre. Je constate que ce rayon de soleil lui fait plaisir. Je lui demande s’il se sent d’attaque pour descendre 4 étages et remonter après ? Notre immeuble n’a pas d’ascenseur et parfois, « officier » respire fort au fur et à mesure qu’on monte. Une ballade en cette période de confinement, nécessite quelques précautions, même si c’est pour le jardin de l’immeuble. Tôt ce matin, j’ai rédigé une attestation de déplacement dérogatoire qui me permettra d’aller voir Jayden, mon fils, chez sa mère. Avec la présence de mon Père qui est du 3e âge et donc un sujet à haut risque, je ne peux pas prendre mon fils avec moi. Les enfants sont réputés porteurs sains et donc asymptomatique, autrement dit, qu’ils ne présentent aucun symptôme. En revanche, un porteur sain est tout de même touché par la « maladie » et peut transmettre l’agent infectieux à d’autres personnes avec qui il est en contact. Dans le cas du Covid-19, c’est particulièrement vrai pour les enfants, les adolescents ou les jeunes adultes »
Avec la présence de mon Père qui est du 3e âge et donc un sujet à haut risque, je ne peux pas prendre mon fils avec moi.
Je demande à papa de se couvrir et se chausser. Je m’assure que mon tube de gel est bien dans ma sacoche. Et on y va. Attention il faut pouvoir descendre sans toucher les balustres. Je suis content de la petite sortie car je sais les effets bénéfiques pour papa. En rentrant il va bien falloir grimper. Gravir un escalier implique de faire travailler plus de muscles que le simple fait de marcher. Ainsi, même si l’on pratique un minimum d’exercices physiques. En ce moment, du fait de sa maladie, mon papa n’en pratique plus. J’ai aussi pris le soin de rédiger une attestation pour lui. Il n’y a pas d’interdiction à proprement parler, mais il est fortement recommandé de circuler seul. Les déplacements à plusieurs doivent se faire en cas de « nécessité absolue ». Et si jamais vous êtes deux, il ne faut pas oublier qu’il vous faut deux attestations. Celles-ci sont en effet individuelles. Nous sommes deux ! Nous marchons en respectant la norme de « distanciation sociale ». Je marche à 1,5m de Papa. Finalement, on ne va pas au jardin car ils sont encore plus nombreux que tout à l’heure. J’installe papa sur un banc public. Il m’ordonne de m’asseoir sur le prochain. La scène a quelque chose de surréaliste peut-être d’Ubuesque mais c’est la loi. Nous partageons des espaces plus confinés à la maison mais dans la rue, on respecte les consignes.

Je marche à 1,5m de Papa.
A 17h, le temps se rafraîchit un peu. Il faut remonter papa.
17h15 : je suis dans le Tram pour aller voir Jayden qui m’attend avec son ballon de foot depuis 14h. Le tram est quasi vide. La moitié des chaises assises est inoccupée.
Le silence est lourd. Chacun est plongé sur son portable. J’ai l’impression de voir des des particules de virus flottant dans l’air que nous respirons. Comme en apesanteur. Vous savez, au cinéma, ces astronautes, dès qu’ils quittent l’orbite terrestre, ils se retrouvent dans un état d’apesanteur et flottent librement dans l’air. Je les imagine ces satanés coronavirus s’écrasant sur mon nez, mes lèvres, mon cou, mes yeux, sur ma veste. Je bloque une seconde ma respiration. C’est débile. Je balaie les wagons rapidement en me demandant entre m’asseoir sur une chaise dont le dernier occupant a pu y déposer quelques virus…et la barre au milieu qui elle est souvent touchée par tous ceux qui entrent sortent. Mon regard se pose sur une dame au fond du wagon qui porte un masque blanc très propre. C’est la seule. J’aurai parié qu’elle était de type Asiatique. C’est les seuls qui portent systématiquement des masques à Paris. Cela remonte au début de la crise en Chine. En Europe, chaque personne au faciès asiatique était considérée comme Chinois et de fait, comme personne à risque. Une stigmatisation qui a contraint tous les « Chinois » à enfiler des masques afin d’échapper aux regards obliques.
Je les imagine ces satanés coronavirus s’écrasant sur mon nez, mes lèvres, mon cou, mes yeux, sur ma veste. Je bloque une seconde ma respiration.
A la fin je choisis de m’adosser sur la barre de compostage des billets. Je me dis que si elle porte des virus, ils vont se coller sur mon arrière et finiront bien par périr. Seul problème, je suis entrain d’aller voir mon fils. Nous allons jouer au foot. Il est très tactile. Cette idée me pousse au sursaut, et je décolle de la barre, manquant de perdre mon équilibre. Heureusement je dois déjà sortir après deux arrêts, pour emprunter un bus. Avec le même dilemme et la même hantise. Les mêmes angoisses aussi.

A la sortie du bus, je m’embaume de gel hydroalcoolique. Je ne sais pas si c’est pour me donner bonne conscience ou si je crois vraiment que ça diminue les risques.
Dans la cour de l’immeuble, mon capitaine Sankara m’attend déjà. Comment faire pour qu’un gamin qui est content de voir papa, ne tombe pas sur lui à bras ouverts. J’essaie d’éviter que son nez touche mon pantalon. Je fais le grand écart comme si j’étais déjà dans nos jeux délirants. Ça marche ! Dieu merci, il imite Papa, jette le ballon et fait aussi le grand écart. Mais, c’est plus fort que moi. Je lui pose un bisou sur le front et on parle du coronavirus. Il faut avouer que dans les écoles, ils ont fait un travail extraordinaire de sensibilisation des enfants. Il demande que je lui mette du gel en faisant le geste adéquat. Comment jouer avec son fils sans le toucher ? lui le fan de Mbappe, tient à sa partie de foot. Je trouve une parade. Je le laisse jeter et courir derrière le ballon et je feins de peiner à le rattraper. Quel petit garçon ne rêve pas de défier son papa ? Nous faisons ainsi plusieurs des Aller-Retour sur les allées de la concession, jusqu’à épuisement. La nuit tombe vite. On a couru 1h. Mine de rien je reste fort. Il en rit à gorge déployée. « Papa sans la nuit je t’aurai encore dribler hein.. ». Je confirme sa victoire sur papa et je lui passe un câlin sur le bonnet. Le temps est clément. Un voisin à son balcon du 2e étage pousse le son et la chansonnette. Au fur et à mesure que nous courrions, le volume montait. En fait, il s’associait à notre jeu. Nous avons répondu en esquissant quelques pas de danse. Il a remis une couche. Jayden lui a fait un large sourire et je l’ai salué d’un « Bonjour ! ». Visiblement il était seul chez lui et ce contact avec nous ne lui déplaisait pas.
Comment jouer avec son fils sans le toucher ? Lui le fan de Mbappe, tient à sa partie de foot. Je trouve une parade. Je le laisse jeter et courir derrière le ballon et je feins de peiner à le rattraper

Jayden et moi on s’est assis sur le bord de notre « stade » et nous avons ouvert la conversation des « pourquoi » dont mon fils a le secret. Bien que sa mère soit habituée à nos interminables apartés, mon téléphone a commencé à sonner. Il a su que « c’est maman ». On a souri. Une salve d’applaudissements qui est montée crescendo vient nous sortir de nous. Il est 20h. Heure consacrée à l’hommage au corps médical. Jayden applaudit avec joie. Avant de me demander pourquoi les gens applaudissent autour de nous.
Il est temps que je rentre. Encore ce bus puis ce Tram. Je suis tenté d’attaquer le trajet à pied. Il me faudra 30 à 45 mn. Je trouve une belle excuse. J’ai des corps aux orteils, une callosité due au port de chaussures inadaptées depuis mon arrivée. Jayden est à nouveau à l’abri dans les douces grâces de sa maman. Je suis déjà dans le bus 304 qui va me conduire à La Garenne-Colombes.
Une nation ne doit pas laisser sur le bord de la route ses blessés de guerre.
A la descente du bus, j’aperçois une voiture de pompiers avec son gyrophares rouge tournant qui nous attend. Je m’inquiète à l’idée qu’on ait peut-être signalé un cas suspect dans notre bus. Mon sang fait un tour et mon cœur manque de se décrocher. En me dirigeant vers la sortie, je cherche des réponses. Que se passe-t-il ?
En fait, les pompiers ont été appelés car un SDF (sans domicile fixe) présentait des symptômes inquiétants. Ce qui explique ces combinaisons d’astronautes qui m’ont rendu nerveux. Malgré son refus, ils l’embarquent de force. La société française a cette tradition de protection des personnes vulnérables. C’est l’un des marqueurs de ce fameux modèle social français qui fait de la France, la Patrie des Droits de l’homme. Ce modèle a rendu ce pays attachant à mes yeux et mes coups de colère contre les « politiques africaines » de ses dirigeants ne changent pas mon respect pour cette Nation dont j’aime le récit national, la culture et les hommes. Ce soir, j’ai une raison supplémentaire. Une nation ne doit pas laisser sur le bord de la route ses blessés de guerre.
La France est en guerre.
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📖 La Garenne-Colombes-Vendredi 27 mars 2020: Les dernières volontés de mon père
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il y a 1 anLe
28 mars 2020
8H30 : Depuis la mort de Tonton Manu, je manque de souffle.
Tout cela s’est évaporé par diverses voies et les questions les plus anxiogènes assèchent mon inspiration. Si le grand Manu Dibango est resté sur le carreau alors, c’est que ce Corona ne respecte plus rien. Mon Papa a presque l’âge de Manu et est enfermé ici avec nous, à quelques pas de ce satané microbe qui semble camper au seuil de la porte. Flippant !
Ce matin il fait beau. Du moins à travers la baie vitrée, j’aperçois les immeubles de la Défense à plein nez. L’apparence phallique est renforcée par l’éclat du soleil qui darde ses rayons sur les baies vitrées de ces édifices. C’est la nuit que le spectacle est souvent sublime avec des immeubles aux allures de pénis en érection propulsant des feux d’artifice vers le ciel. Ce matin, je n’aperçois aucune animation. Très souvent, j’imagine les cadres aux cheveux ultra-gominés de ces entreprises du Cac 40 en vidéoconférence entrain de faire des présentations powerpoint en « english for french ». Apparu avec la saga de films de Le Parrain, le cheveu gominé opère son grand retour en France, plus de 30 ans plus tard. Aujourd’hui, les hommes qui osent la coupe de cheveux gominée sont encore rares. Mais plus pour longtemps.
Papa me tire de La défense avec une quinte de cette toux qui l’attaque. Sa nuit n’a pas été bonne. La toux ne lui a laissé aucun répit et des douleurs thoraciques l’ont brisé. Le plus indicible dans l’affaire, c’est quand à 3h30 du matin, vous voyez votre père en larmes implorant le Seigneur de lui pardonner ces fautes qu’il serait en train d’expier. Il tient sa poitrine côté gauche. J’ai envie de le prendre dans mes bras afin qu’il me transfère un peu de sa douleur. C’est difficile car il a « mal partout et sa peau brûle..». A mon tour d’implorer le Ciel d’opérer un miracle en partageant avec moi ses douleurs. Ma chair la supporterait bien mieux je pense.
A mon tour d’implorer le Ciel d’opérer un miracle en partageant avec moi ses douleurs. Ma chair la supporterait bien mieux je pense.
Son rythme de respiration s’accélère. Il semble chercher du souffle. Il tousse de plus belle et présente des signes de suffocation. J’ouvre grandement toutes les fenêtres. Je l’installe directement face à l’une d’elles. Le faible vent qui passe par là lui fait du bien. « Appelle ton frère… venez je veux vous parler ». « Ok papa il arrive », je lui réponds pour le rassurer. Mon cœur ne l’est pas du tout. « Alex, aucun de mes organes ne fonctionne plus… Tout mon corps semble sous l’effet des flammes. Regarde mes doigts..». « Soyez courageux…il faut tout envisager même le pire…On demande tous au Seigneur une issue favorable mais pensons aussi au pire…Tu n’aimes pas le sujet mais parlons-en mes enfants…tant que j’ai encore le souffle de vie…». Des rides ont creusé de nouveaux sillons sur son visage cette nuit, on dirait.
Je prends sa main droite dans la mienne. Je serre tendrement comme pour lui passer mon énergie. Mon frère s’est réveillé et nous a rejoint. Il sent que quelque chose de grave se passe, mais quoi ? « Guy, je ne vais pas du tout bien… ». Pendant qu’il se confie à mon frère, je suis intrigué par la rugosité de sa pomme de mains et de sa peau. Je la scrute de près. Elle s’est complètement lézardée et sa blancheur traduit une déshydratation avancée. Chaque fois que j’exerce une légère pression, il se tord de douleur. « Alex, regarde s’il n’y a pas de blessures sur cette vieille peau en décomposition ». Mon père a le sens de la formule dans la graduation de la gravité. Quand il faut des superlatifs pour décrire son mal, il est très généreux. Inversement proportionnel sans doute, à la douleur qu’il endure.
« Officier » est un dur à cuire. S’il se plaint et crie au secours, alors prenez-le au sérieux.
Je repense à l’idée de déshydratation. Je repasse en accéléré le film de la soirée. Je me souviens qu’il a décliné son repas du soir et a renvoyé à demain sa séance de massage. Et donc, il n’a pas bu de l’eau. Est-ce suffisant pour expliquer cette peau de margouillat blanc ? Et si c’était la lotion hydro-alcoolique qu’il utilise pour se nettoyer les mains à longueur de journée ? Notamment celle à forte concentration d’alcool qui est toujours posée sur la table du séjour. Papa qui fréquente assidument les toilettes pour vider son incontinente vessie, l’utilise très souvent, pour se désinfecter. Evitant du même coup la corvée d’un lavage de mains au savon, plus contraignant. Guy et moi sommes convaincus qu’il y a un lien. D’autant plus qu’après les poignets, au bras, à l’avant-bras comme à l’épaule, la peau se porte bien.
Ces derniers jours, je l’ai entendu se plaindre du ballet incessant aux toilettes chaque fois qu’il boit un peu d’eau. Nous pensons qu’il a dû boire très peu (pour éviter de devoir se lever) et est tombé en déshydratation. Très vite, je me souviens des conseils du pharmacien la veille, quand je suis allé le consulter pour une pommade capable d’atténuer des sensations de brûlures sur la peau. Je lui ai parlé des antécédents cancéreux de papa avec ses 27 séances de radiothérapie et 6 séances de chimio. On avait un peu de temps. Les clients sont plutôt rares en cette période de confinement. Alors, il a pris le temps de m’expliquer pourquoi la perception de la soif diminue avec l’âge, augmentant les risques de déshydratation des personnes âgées. Il a insisté sur l’urgence de réagir vite, car la déshydratation peut conduire chez la personne âgée à des convulsions, voire des troubles de la conscience et même le coma.
Papa se sent de plus en plus fatigué. Avec mon frère, notre diagnostic est clair : papa est déshydraté et il faut y aller. Au pas de course, à Guy la boisson chaude à la cuisine et à moi la pommade hydratante. Mon cousin Pascal a anticipé le petit déjeuner à quatre temps avec ces recettes improbables qu’il improvise tous les jours. Je ne sais pas s’il y a un lien avec ma constipation mais je sais que cette période a révélé ses talents cachés de cuisinier. Si la crise perdure il pourra se reconvertir. Il déteste m’entendre le dire, alors je l’écris ici.
« Tout mon corps semble sous l’effet des flammes. Regarde mes doigts.. ». « Soyez courageux. Il faut tout envisager même le pire … »
C’est comme un signe du destin. La pommade Biafine que le médecin m’a vendu hier va entrer en service. C’est la première fois en deux ans qu’on va donner un remède à papa sans lui avoir lu toute la notice. Et expliquer chaque terme « bizarre ». Sinon rien. Il m’a été dit du Biafine qu’il est indiqué pour le traitement des brûlures, des plaies superficielles non infectées après radiothérapie.
MON FRERE A CONSTRUIT UN CORDON SANITAIRE AUTOUR DE SON PÈRE
J’ai appliqué de larges couches de cette émulsion blanche et fraiche sur les parties douloureuses. Il a bu son thé avec beaucoup de volonté. Et très vite, il s’est senti mieux. Il n’en revenait pas. Il m’a arraché le tube de biafine entre les mains et la phase des questions s’est ouverte par un « Mon père, la pommade là agit au-delà de la peau pour toucher les os à l’intérieur ? Quand tu m’en parlais hier, je me disais que c’est juste une pommade de plus. Me voici qui marche, alors que toute la nuit, me tenir debout sur mes deux jambes, c’était l’enfer…! ».
06h30: La séance d’écriture des dernières volontés d’Officier est suspendue et renvoyée à une date ultérieure.
Papa savoure un moment de calme. Avant la prochaine tempête comme il dit. Je retourne m’allonger un moment. Je n’avais en fait pas pu dormir au milieu des vibrantes quintes de toux de papa. J’ai vraiment cru que c’était la fin. J’ai réalisé (peut-être enfin) que mon papa pouvait partir à tout moment. Je vais y réfléchir.
Guy regagne directement la nouvelle salle de cours improvisée dans la maison pour préparer les télé-enseignements avec ses filles. Je m’installe pour écouter la radio, cette radio qui me relie au Cameroun. ABK Matin passe depuis un peu plus d’une heure. Et alors que mes oreilles sont tournées vers Douala, mon esprit déambule ici …
Et si on parlait de la maladie de papa ?
Lui même en parle aujourd’hui comme d’autres présentent leurs décorations. « Brigadier Leupi à la retraite…A 84 ans, deux cancers et toujours debout. J’ai accepté que mon cas serve pour des études sur la maladie. Les 8 médecins blancs qui me suivent ne comprennent pas comment je suis encore debout. Vous pouvez vous vanter ». il y a une forme de jubilation dans sa voix. Une ode à la vie.

En fait c’est lui qui s’en vante. Nous nous contentons de remercier le Ciel pour cette grâce. Car mis à part ces moments d’atroces douleurs et cette toux qui sait tour à tour être rauque, aboyante ou comme un phoque, papa est totalement lucide et tient à assumer son rôle de Chef de clan. Autonome avec autorité de la chose jugée.
Ses deux tumeurs sont l’une aux poumons et l’autre à la prostate. Les deux tumeurs ont été jugées inopérables ou pas nécessaire à être opérées. Toujours est-il que quand une tumeur est jugée inopérable mais reste localisée au thorax par exemple, une radiothérapie est indiquée. Elle peut être associée à une chimiothérapie, comme ce fut le cas chez lui ; Généralement, c’est selon l’état de santé général du patient. Et lui a le privilège d’être de constitution très solide. Avant la dernière crise qui a nécessité une évacuation à l’étranger, il y a un peu plus de deux ans, papa ne manquait aucune édition des « 10Km du Cœur ».
La radiothérapie est indolore sur le moment, mais elle peut entraîner un certain nombre d’effets secondaires qui apparaissent progressivement au fil des séances. Ils peuvent disparaitre habituellement quelques jours à quelques semaines après l’arrêt du traitement. Par exemple, les patients peuvent présenter une fatigue inhabituelle, une déglutition douloureuse, une toux irritante et des réactions cutanées. Lesquelles sont réduites si nécessaires avec des anti-inflammatoires. Pour des personnes très âgées comme papa, des effets peuvent se prolonger du fait de la fragilité du patient à réparer « naturellement » les agressions que son corps a subies.
La radiothérapie cause des dommages aux cellules cancéreuses, mais elle peut aussi endommager les cellules saines qui se trouvent dans la zone de traitement. Les dommages causés aux cellules saines provoquent des effets secondaires. Comme ces douleurs osseuses sur les vertèbres lombaires qui rendent la vie de Papa si pénible. Je suis arrivé avec lui en France pour revoir ses médecins. Et coronavirus s’est invité au banquet. A ce jour, tous les rendez-vous sont annulés et il n’a pas encore vu un médecin. Dans cette tragédie qui ébranle nos modes de vie et de communication, le cas de l’officier Leupi ne relève plus d’une urgence.
15h: L’enterrement de Manu et la deuxième mort d’Alain
Ce matin j’ai reçu deux messages qui ont mis en lambeaux un cœur déjà soumis à rude épreuve. Tonton Manu sera mis en terre ce vendredi dans la stricte intimité. J’ai donc une forte pensée pour la scène qui se déroule au cimetière du Père Lachaise dans le 20è arrondissement de Paris. Ce cimetière est réputé le plus grand cimetière parisien intra muros et l’un des plus célèbres dans le monde. Nombre de célébrités y sont logées. D’Oscar Wilde à Jim Morrison, de Maria Callas à Edith Piaf. Manu va y passer l’éternité aux côtés d’autres légendes comme lui.
Normalement fermé pour cause de cette vilaine pandémie, le cimetière a été ouvert sur autorisation spéciale du Préfet de Paris pour recevoir ce citoyen d’honneur.
Manu a habité cet arrondissement pendant plusieurs années. C’est là-bas, qu’a eu lieu notre première rencontre, au milieu des Années 90. Il y recevait très souvent autour d’une tasse de café, dans un Bar-Tabac situé au pied de son immeuble.
L’autre message m’annonce que mon regretté frère et ami Alain Siekappen sera incinéré le Mardi 31/ 03/2020 de 13h30 à 14h30. Le programme parvenu à la famille relève du régime militaire.
- Mise en Bière : 13h30 Hôpital Delafontaine à Saint Denis. Suite à la réglementation gouvernementale du COVID 19 aucune présence ne sera admise à la chambre mortuaire.
- Départ : à 14h00.
- Crémation : 14h30 Crématorium des Joncherolles (95 rue Marcel Sembat 93430 Villetaneuse). Suite à la réglementation gouvernementale du COVID 19 aucune présence ne sera admise au crématorium.
- Remise de l’urne au dépôt du crématorium jusqu’à nouvel ordre. Ensuite vos pourrez prendre un rendez-vous pour la restitution de l’urne avec votre pièce d’identité
L’auteur de cette littérature funèbre ne mesure pas combien ces mots sonnent pour nous Africains comme un désastre. Un non-deuil ; pire que la mort physique d’Alain, c’est la 2e mort d’Alain. Je me mets à la place de Miriam. La lecture est déchirante. Mais je n’en veux pas à l’auteur. Il fait son travail.

Pour les salariés de pompes funèbres, faire respecter les règles hygiéniques comme éviter les contacts, n’est pas une mince affaire auprès des familles. Le Haut conseil de la santé publique en France a préconisé de son côté que les corps des défunts soient placés dans des housses mortuaires étanches, et hermétiquement fermées avant d’être transférés en chambre mortuaire. Faute de données officielles sur la contagiosité des défunts, le secteur des pompes funèbres est nerveux.
Protégeons nos vieux. Il est déjà 20h.
J’entends déjà monter la clameur des applaudissements de ce peuple qui sait dire Merci et célébrer ses héros. Même les plus ordinaires comme le corps médical ici célébré pour son dévouement. Je repense à Manu. Et toute cette désacralisation orchestrée jadis…
Je pense à cette littérature de la connerie qui a émergé ces jours-ci sur les réseaux sociaux pour demander « ce que Manu a fait pour son pays ». Il n’aurait pas construit immeubles, conservatoires et autres restaurants, cabarets peut-être. Pourquoi pas des auberges (chambres de passe à la camerounaise) pendant qu’on y est. Ces nouveaux temples de notre cul-ture.

A qui viendrait en France l’idée de demander ce que « Johnny a apporté à la France » ? Même toutes ses frasques n’ont pas écorné l’image de l’idole des jeunes devenue vache sacrée de toute une nation. On n’y touche pas. C’est quoi cette dictature de la bêtise ? Nous résisterons. En me baladant tout à l’heure sur facebook, j’ai lu des choses qui m’ont donné envie de tremper ma plume dans du vinaigre. Heureusement que sur les réseaux, on fait aussi d’improbables et jouissives rencontres comme chaque fois sur le mur d’Achille Mbembe. Son post de ce vendredi après-midi portait un passage troublant. Il écrit :
« En milieu d’après-midi, je reçois un message écrit de l’une des plus grandes agences d’information au monde. On me demande si j’accepterais de contribuer à la rédaction de l’”obituary” du Président de la République du Cameroun, Monsieur Paul BIYA. On m’explique que la requête peut paraître étrange, mais que de telles notices, écrites du vivant de l’intéressé, sont choses courantes. Je le savais. Je ne souhaite pas la mort au Chef de l’Etat camerounais. Contribuer, alors qu’il est encore vivant, à l’écriture de sa notice nécrologique ne me convient absolument pas ».
Je suis d’accord avec lui.
Dans le forum whatsapp de la rédaction d’ABK Radio, je vois passer un courrier du Président du MRC le Pr Maurice Kamto qui en clair, donne 7 jours à Paul Biya pour donner « des signes de vie » si je puis me permettre. C’est troublant tout ça.
Puis une dépêche de l’AFP indique comment en Espagne on franchit le mur de l’horreur dans les maisons de retraite. Impossible d’évacuer tous les corps. Plus de 2/3 des personnes décédées dans ce pays ont plus de 80 ans. Je pense encore à papa, mais pas seulement. Le virus tueur des vieux est impitoyable. Protégeons les nôtres.
Entre temps, la combinaison chloroquine et un antibiotique semble porteuse d’espoir.
Le Dr Raoult a fait bouger les lignes. Il revendique plus de 700 patients traités à Marseille. Lueur ou éclair d’espoir ?
Le Pr Raoult a fourni quelques détails sur le protocole qui a été appliqué aux 24 patients de son étude : « Nous avons utilisé la posologique que nous connaissons le mieux : 600 mg par jour, indique-t-il. L’hydroxychloroquine est un médicament extraordinairement toléré, qui est donné pendant 10 à 20 ans aux patients atteints de maladies inflammatoires. C’est un dérivé de la chloroquine qui est utilisée depuis 60 ans dans le paludisme. »
La chloroquine est largement fabriquée en Chine. L’usine du monde semble à l’arrêt. On va tous y passer.

Publiée par le journal de l’université du Zhejiang le 6 mars, une étude chinoise s’est intéressée au cas de 30 patients atteints par le Covid-19. La moitié d’entre eux a pris de l’hydroxychloroquine, un antipaludéen dont l’utilisation fait débat en ce temps de pandémie. Après sept jours de traitement, 13 des 15 patients traités ont été testés négatifs au virus. « Pour le groupe qui n’était pas sous hydroxychlororquine, ce chiffre était de 14. Et le temps médian pour guérir était similaire pour les 30 participants, tous atteints de formes modérées. Cependant, cette étude diffère trop de celle de Didier Raoult, fervent promoteur de la chloroquine, pour créer une véritable comparaison. Par exemple, les doses d’hydroxychloroquine administrées sont plus faibles chez les Chinois. En outre, le faible nombre de participants ne permet pas de conclure. ».
Le Premier ministre Edouard Philippe de France a annoncé la prolongation des mesures de confinement pour au moins deux semaines supplémentaires. La date de la fin du confinement est donc désormais (et pour le moment) le 15 avril 2020. Il est temps que je m’achète un nouveau pantalon jean.
Un autre petit éclair d’émotion cet après-midi, un appel de mon ancien Directeur général. M. Joel Nana Kontchou prenait les nouvelles du « confiné ».
Lui, si rare en générosité m’a dit une ou deux choses sur ABK Radio qui ont valeur de compliments superlatifs. J’en étais ému. J’en ai profité pour en savoir plus sur ses activités actuelles et j’ai appris qu’il prépare un livre et de nombreux autres projets à fort impact sur les jeunes. Cela m’a fait plaisir. Il a tant d’expérience à partager. Je l’imagine d »ailleurs donnant conférences de haut niveau et séminaires pour des « Executives ».
Je reviendrai un jour sur son style de management qui a anticipé mon départ d’une entreprise pour laquelle j’aurais pu apporter encore une ou deux choses qui me tenaient à cœur. Toujours est-il que c’est l’un des esprits les plus aboutis que j’ai rencontrés dans ma vie. Il a le défaut des premiers de la classe. Ce type de camarades qui en venaient à vous énerver au lycée par la facilité avec laquelle ils captaient au premier coup les équations les plus complexes et ne comprenaient pas que vous ne compreniez pas des choses « aussi évidentes ». Ils étaient sincères et…énervants.
Avec JNK, assertivité, agilité empathique, intelligence émotionnelle sont bouffés au petit déjeuner. Ce qui consomme la force de travail du « collaborateur même le plus modèle ». On y laisse beaucoup d’énergie. Entraînant l’angoisse de ne pas être à la hauteur, une imagination peu fertile sur ce qui serait supposé plaire au chef, en somme l’antichambre du burn out. Je n’en étais pas si éloigné.
Si vous croyez que Dieu n’existe pas, regardez Boris Johnson. Seules mes valeurs chrétiennes m’empêchent de me réjouir de ce qui lui arrive.
Mais pour en revenir au flux d’informations que nous recevons.. Si vous croyez que Dieu n’existe pas, regardez Boris Johnson. Seules mes valeurs chrétiennes m’empêchent de me réjouir de ce qui lui arrive. « Au cours des 24 dernières heures, j’ai développé des symptômes bénins et j’ai été testé positif pour le coronavirus. Je me suis isolé, mais je continuerai de diriger la réponse du gouvernement par vidéoconférence alors que nous combattons ce virus« . Dernièrement, Boris Johnson a été au centre de plusieurs polémiques, refusant dans un premier temps d’arrêter de serrer la main de ses interlocuteurs puis en misant sur « l’immunité collective » face au Covid-19, avant de se raviser.
Après les applaudissements de ce soir, un épais nuage de calme couvre à nouveau le quartier. En temps ordinaire, assis à cette fenêtre, j’entends en fond sonore passer un train toutes les quinze minutes. La gare de la Garenne-Colombes n’est pas loin et le Tram 2 longe l’axe routier Défense-Pont de Bézons. On dirait que la vie s’est arrêtée dans ce pays. Et il ne donne pas l’impression de s’écrouler. L’édifice est-il aussi solide qu’il en a l’air ?.
Et ce samedi se tient au Cameroun une veillée chez la maman d’Alain à l’entrée Crtv Mballa 2 à Yaoundé. Je n’y serai pas. Je suis presque soulagé d’échapper à ce moment où il faudra bien croiser le regard de maman et lui dire quelque chose. Mais alors quoi ? Bon courage à vous Serge-Alain, Martial, Jackson, et tous les amis qui iront passer un moment avec la maman d’Alain. Alain, mort dans l’exercice de son métier.
Demain je vous parlerai de mon Manu. En tout cas j’espère trouver assez de souffle pour y arriver.
Alex Siewe
Le journal d un confiné
📖 La Garenne-Colombes- Samedi 21 mars : Alain est mort !
La mort d’Alain, les transports en commun, le coronavirus et moi. Voyage en milieu hostile
Publié
il y a 1 anLe
22 mars 2020
L’appel a duré 1m33 secondes exactement. J’ai dû placer 3 mots du type Aie, Aie, Aie !!! . Et puis je suis parti. Au bout du fil, Alain Blaise (ABB) me racontait sans doute le récit reçu de Miriam, la femme d’Alain. Je l’écoutais de loin. Comme une voix d’outre-tombe. Il avait pris la voix d’Alain son jeune homonyme. Il avait donc été admis en soins intensifs il y a quelques jours et très vite isolé de sa famille. Il parait qu’à ce stade, quand on souffre du Covid-19, on est plongé dans « Une sorte de zone marginale inaccessible aux vivants et qui n’est pas encore la mort. ». Cet espèce d’ailleurs que Robert Badinter a décrit en racontant l’exécution de Roger Bontems, guillotiné en 1972 à la prison de la Santé. Etre en réa comme être condamné à mort. J’ai lu un « marginal » Professeur Marseillais dire qu’on va en réanimation pour mourir car « Pour l’instant, les cas graves sont ceux qui ne sont ni détectés, ni traités et qui arrivent avec une insuffisance respiratoire très grave.»
« A 45 ans, Alain champion de Karaté, n’a pas tenu plus de 10 jours, mis KO par le Covid19. »
Le même Pr Didier Raoult raille cette espèce de soufflet anxiogène qui monte car pour l’instant dit-il, on a plus de chance de mourir d’autres choses que du Covid-19. Pour lui, la chloroquine guérit. Et pourtant Alain est bien mort. Il n’avait ni un « grand âge », ni ne semblait avoir souffert de prise en charge tardive. C’est les principaux facteurs de mortalité. Et pourtant, à 45 ans et de constitution Robuste, Alain mon champion de Karaté, n’a pas tenu plus de 10 jours, mis KO pour un organisme microscopique. Quand on est aussi « géant », peut-on s’alarmer de fièvre, de toux sèche, de quelques courbatures, de maux de tête ? Quand on pilote la stratégie de sécurité d’un des plus grands centres commerciaux de la ville lumière, peut-on s’inquiéter d’une banale attaque grippale, même si elle provoque une sensation d’oppression ou d’essoufflement. ?

La voix d’ABB est éraillée, différente de celle que ses amis lui connaissent. Des exclamations interrompent à intervalle régulier une envie de témoigner. C’est que Alain-Blaise d’ordinaire enclin à distiller de petites blagues, en a gros sur la patate. Aussi loin que je me souvienne, Alain est, depuis longtemps à Paris, l’un de ses petits-frères les plus disponibles.
En l’écoutant, j’ai commencé à imaginer la détresse respiratoire d’Alain dans l’ambulance ; le colosse entrain d’en rigoler avant de s’écrouler. Je doute même qu’il ait eu le réflexe d’envoyer des bisous à sa fille de six ans. Convaincu que « ce n’était rien » et qu’il reviendra le lendemain. Et là, on me disait qu’il est Allongé. Inerte. Quand Alain-Blaise a raccroché, il a promis de m’envoyer un numéro de téléphone. Assis en face de moi, Papa a bien compris qu’il s’était passé quelque chose de grave. J’ai forcé un sourire. Sa santé est très fragile. Il s’inquiète de la mienne aux prises avec ce confinement. Et à la perte brutale il y a quelques jours d’un mentor. Jean-Michel, lui aussi, est parti suivant le même rituel. Seul. Confiné dans une salle de réanimation.
J’ai commencé à imaginer à quoi avaient ressemblé leurs dernières heures de souffrance. Il parait que quand tu épuises tes dernières réserves du souffle de vie, tu en as conscience. Ont-ils profité de ces quelques instants de lucidité pour s’adresser une dernière fois aux gens qu’ils ont aimés et qui continuent à les aimer ?. Alain a-t-il pensé à sa maman et à comment il faudra lui expliquer qu’elle ne verra pas les restes de son fils chéri ? ont-ils pensé à leurs enfants, à leurs amis ou aux proches collègues ? Qu’ont-ils dit à chacun ? Jean-Michel a-t-il dit à Pélagie, son âme sœur « Chérie Je t’aime. Je vais t’attendre de l’autre côté»
Alain a-t-il pensé à son fils, en lui envoyant un « Sois fort, quoi qu’il arrive, n’oublie pas que Dieu veille sur toi ». A-t-il plutôt imploré la pitié du Seigneur pour n’avoir pas cédé assez tôt aux inquiétudes de Myriam ? Lui le croyant peu zélé, a-t-il osé un « Jésus, prends pitié et veille sur Myriam et ma fille » ?

Alain a-t-il pensé à son fils, en lui envoyant un « Sois fort, quoi qu’il arrive, n’oublie pas que Dieu veille sur toi ». A-t-il plutôt imploré la pitié du Seigneur pour n’avoir pas cédé assez tôt aux inquiétudes de Myriam ? Lui le croyant peu zélé, a-t-il osé un « Jésus, prends pitié et veille sur Myriam et ma fille » ?
J’étais plongé depuis 2h dans ce tunnel noir quand mon frère Guy m’a tendu ma première tasse de café de la journée. Il est pratiquement 15h.
Il venait de passer le 3e coup d’éponge et de serpillère javellisée sur tous les points de contacts partagés de la maison. Une espèce de barrière sanitaire invisible. Cette odeur d’acide chlorhydrique, très caractéristique de l’eau de Javel, a quelque chose de rassurant. Une peu comme l’encens au cours du rituel chrétien.
Toute l’après-midi, les seuls mouvements dans notre appartement de 70 mètres carrés se résument donc à aller de la table au réfrigérateur, du réfrigérateur au canapé puis du canapé au réfrigérateur et enfin du réfrigérateur au lit. J’avais déjà eu un réveil difficile. Alourdi sans doute par le poids des nouvelles qui m’attendaient. Couche-tard, je me suis permis une grasse matinée. Encouragé par la nuit paisible de Papa. Ni cauchemars, ni douleurs atroces comme souvent, il a dormi d’un trait, à peine perturbé par deux pauses-pipi. Il m’arrive aussi souvent de faire de petites pauses pour aller aux toilettes. Je profite de ces moments pour m’assurer que Papa est bien couché. J’ai quitté mon lit à 11h et à 12h30, le coup de massue.
Je dors peu. J’ai laissé une barbe de trois jours opportuniste s’installer sur mon visage et des cernes se creusent. Mon ventre laisse entrevoir des masses disgracieuses. La sédentarité en marche. D’ici deux semaines, je pense que je ressemblerai au résultat d’un croisement entre un alien en surcharge pondérale et Mboua Massok.
Autour de 13h, j’ai reçu un message de Serge-Alain Godong qui me parle du départ d’Alain.
C’est déjà lui qui m’avait alerté de son état critique 3 jours plus tôt. Encore sous le choc de la disparition de Jean-Michel Denis, je pariais que Dieu ne pouvait pas autant nous assommer la même semaine. En plus, on parlait d’un Roc quand même. Rien à voit avec nous et nos douteuses aptitudes physiques. Plusieurs champion de Karaté au Cameroun et en France, Alain tenait à la fois de la figure du pompier comme de l’homme d’acier, héros de nos BD de jeunesse. Dans mon répertoire téléphonique, son nom est « Alain Karaté », enregistré depuis notre première rencontre, en hommage à sa force titanesque réputée invulnérable à mes yeux. C’est Serge-Alain Godong qui m’a présenté ce gentil garçon aux joues de porcelaine un soir, à la fin des années 90. Alain commençait à s’ennuyer au pays et voulait s’expatrier pour se mesurer aux plus grands. Je l’y ai plus qu’encouragé et nous n’avons jamais regretté ce choix de le faire partir. En France, ses aptitudes athlétiques et son attitude chevaleresque ont favorisé intégration et ascension sociale. Il s’était mis aux services de son art (martial) et faisait profiter de son expérience aux plus jeunes dans la diaspora comme au Cameroun..
Serge-Alain est autant abattu par la perte de son frère que par la force dont il aura besoin pour aller annoncer la terrible nouvelle à leur maman. Notamment l’absence de corps. Toute la scénographie mortuaire chez nous étant établie autour du corps, comment gérer ce deuil sans ? Comment, surtout, l’expliquer aux autres, aux anciens, et surtout à Maman ? Je n’ai pas de réponse pour lui.

Serge-Alain est autant abattu par la perte de son frère que par la force dont il aura besoin pour aller annoncer la terrible nouvelle à leur maman. Notamment l’absence de corps.
Oui, Serge-Alain Godong le Maka de l’Est et Alain Siekappen le fils des Bana à l’Ouest, sont « frères » ; sans aucun lien de parenté au sens tribal du terme. Par l’une de ces magies que le « vivre ensemble » a su engendrer dans notre pays. J’y reviendrai un de ces jours.
20h : j’entends monter la clameur des applaudissements du balcon de nos voisins.
Comme tous les soirs, ils rendent ainsi hommage au personnel soignant qui est au front de cette lutte à mort contre le coronavirus. L’onde traverse le quartier. Ce rituel est né en Italie et en Espagne où des scènes d’applaudissements en soutien aux soignants ont fleuri. Les Français s’y mettent. Avant-hier, à 20 h, Paris a applaudi à son tour les personnels hospitaliers, en première ligne face à la pandémie de coronavirus Covid-19.
Je lis dans un fil d’actualité sur Whapps que le PAN le Très honorable Cavaye Yeguié a été testé positif au coronavirus. J’espère que c’est un fake. Et puis je me dis pourquoi pas ? Cela ne me suscite aucune émotion particulière. Je pense surtout aux victimes potentielles. J’ai vu un membre du gouvernement à portée de ses éternuements et à l’AN des députés l’ont chaleureusement salué. Sans aucun respect des consignes. Pourquoi bravent-ils ces consignes ? L’immunité parlementaire ne couvre pas les risques sanitaires mes chers honorables.

21h : Près de 800 nouveaux décès en Italie. Plusieurs messes ne suffiront pas.
Kenny Rogers est mort à 81 ans. Cette légende de la musique country a envahi mon univers quand j’étais lycéen. Recommandé par mon vendeur de cassettes qui n’avait pas pour moi le Best of de Don Williams que je cherchais. Je lui en sais gré jusqu’à ce jour. « U decorated my life », « Don’t fall in love with a Dreamer », « lady »…que des tubes qui m’ont jadis aidé à améliorer mon vocabulaire de mots charmants en anglais. Même si cela n’a finalement pas servi à grand-chose. Il en fallait plus pour faire tomber les filles au lycée polyvalent de bonaberi ces années- là..
alexandresiewe@gmail.com
A SUIVRE…..


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