Le journal d un confiné
đ La Garenne-Colombes-Vendredi 27 mars 2020: Les derniĂšres volontĂ©s de mon pĂšre
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il y a 10 moisLe

8H30 : Depuis la mort de Tonton Manu, je manque de souffle.
Tout cela sâest Ă©vaporĂ© par diverses voies et les questions les plus anxiogĂšnes assĂšchent mon inspiration. Si le grand Manu Dibango est restĂ© sur le carreau alors, câest que ce Corona ne respecte plus rien. Mon Papa a presque lâĂąge de Manu et est enfermĂ© ici avec nous, Ă quelques pas de ce satanĂ© microbe qui semble camper au seuil de la porte. Flippant !
Ce matin il fait beau. Du moins Ă travers la baie vitrĂ©e, jâaperçois les immeubles de la DĂ©fense Ă plein nez. Lâapparence phallique est renforcĂ©e par lâĂ©clat du soleil qui darde ses rayons sur les baies vitrĂ©es de ces Ă©difices. Câest la nuit que le spectacle est souvent sublime avec des immeubles aux allures de pĂ©nis en Ă©rection propulsant des feux dâartifice vers le ciel. Ce matin, je nâaperçois aucune animation. TrĂšs souvent, jâimagine les cadres aux cheveux ultra-gominĂ©s de ces entreprises du Cac 40 en vidĂ©oconfĂ©rence entrain de faire des prĂ©sentations powerpoint en « english for french ». Apparu avec la saga de films de Le Parrain, le cheveu gominĂ© opĂšre son grand retour en France, plus de 30 ans plus tard. Aujourdâhui, les hommes qui osent la coupe de cheveux gominĂ©e sont encore rares. Mais plus pour longtemps.
Papa me tire de La dĂ©fense avec une quinte de cette toux qui lâattaque. Sa nuit nâa pas Ă©tĂ© bonne. La toux ne lui a laissĂ© aucun rĂ©pit et des douleurs thoraciques lâont brisĂ©. Le plus indicible dans lâaffaire, câest quand Ă 3h30 du matin, vous voyez votre pĂšre en larmes implorant le Seigneur de lui pardonner ces fautes quâil serait en train dâexpier. Il tient sa poitrine cĂŽtĂ© gauche. Jâai envie de le prendre dans mes bras afin quâil me transfĂšre un peu de sa douleur. Câest difficile car il a « mal partout et sa peau brĂ»le..». A mon tour dâimplorer le Ciel dâopĂ©rer un miracle en partageant avec moi ses douleurs. Ma chair la supporterait bien mieux je pense.
A mon tour dâimplorer le Ciel dâopĂ©rer un miracle en partageant avec moi ses douleurs. Ma chair la supporterait bien mieux je pense.
Son rythme de respiration sâaccĂ©lĂšre. Il semble chercher du souffle. Il tousse de plus belle et prĂ©sente des signes de suffocation. Jâouvre grandement toutes les fenĂȘtres. Je lâinstalle directement face Ă lâune dâelles. Le faible vent qui passe par lĂ lui fait du bien. « Appelle ton frĂšre⊠venez je veux vous parler ». « Ok papa il arrive », je lui rĂ©ponds pour le rassurer. Mon cĆur ne lâest pas du tout. « Alex, aucun de mes organes ne fonctionne plus⊠Tout mon corps semble sous lâeffet des flammes. Regarde mes doigts..». « Soyez courageuxâŠil faut tout envisager mĂȘme le pireâŠOn demande tous au Seigneur une issue favorable mais pensons aussi au pireâŠTu nâaimes pas le sujet mais parlons-en mes enfantsâŠtant que jâai encore le souffle de vieâŠÂ». Des rides ont creusĂ© de nouveaux sillons sur son visage cette nuit, on dirait.
Je prends sa main droite dans la mienne. Je serre tendrement comme pour lui passer mon Ă©nergie. Mon frĂšre sâest rĂ©veillĂ© et nous a rejoint. Il sent que quelque chose de grave se passe, mais quoi ? « Guy, je ne vais pas du tout bien⊠». Pendant quâil se confie Ă mon frĂšre, je suis intriguĂ© par la rugositĂ© de sa pomme de mains et de sa peau. Je la scrute de prĂšs. Elle sâest complĂštement lĂ©zardĂ©e et sa blancheur traduit une dĂ©shydratation avancĂ©e. Chaque fois que jâexerce une lĂ©gĂšre pression, il se tord de douleur. « Alex, regarde sâil nây a pas de blessures sur cette vieille peau en dĂ©composition ». Mon pĂšre a le sens de la formule dans la graduation de la gravitĂ©. Quand il faut des superlatifs pour dĂ©crire son mal, il est trĂšs gĂ©nĂ©reux. Inversement proportionnel sans doute, Ă la douleur quâil endure.
« Officier » est un dur Ă cuire. Sâil se plaint et crie au secours, alors prenez-le au sĂ©rieux.
Je repense Ă lâidĂ©e de dĂ©shydratation. Je repasse en accĂ©lĂ©rĂ© le film de la soirĂ©e. Je me souviens quâil a dĂ©clinĂ© son repas du soir et a renvoyĂ© Ă demain sa sĂ©ance de massage. Et donc, il nâa pas bu de lâeau. Est-ce suffisant pour expliquer cette peau de margouillat blanc ? Et si câĂ©tait la lotion hydro-alcoolique quâil utilise pour se nettoyer les mains Ă longueur de journĂ©e ? Notamment celle Ă forte concentration dâalcool qui est toujours posĂ©e sur la table du sĂ©jour. Papa qui frĂ©quente assidument les toilettes pour vider son incontinente vessie, lâutilise trĂšs souvent, pour se dĂ©sinfecter. Evitant du mĂȘme coup la corvĂ©e dâun lavage de mains au savon, plus contraignant. Guy et moi sommes convaincus quâil y a un lien. Dâautant plus quâaprĂšs les poignets, au bras, Ă lâavant-bras comme Ă lâĂ©paule, la peau se porte bien.
Ces derniers jours, je lâai entendu se plaindre du ballet incessant aux toilettes chaque fois quâil boit un peu dâeau. Nous pensons quâil a dĂ» boire trĂšs peu (pour Ă©viter de devoir se lever) et est tombĂ© en dĂ©shydratation. TrĂšs vite, je me souviens des conseils du pharmacien la veille, quand je suis allĂ© le consulter pour une pommade capable dâattĂ©nuer des sensations de brĂ»lures sur la peau. Je lui ai parlĂ© des antĂ©cĂ©dents cancĂ©reux de papa avec ses 27 sĂ©ances de radiothĂ©rapie et 6 sĂ©ances de chimio. On avait un peu de temps. Les clients sont plutĂŽt rares en cette pĂ©riode de confinement. Alors, il a pris le temps de mâexpliquer pourquoi la perception de la soif diminue avec l’Ăąge, augmentant les risques de dĂ©shydratation des personnes ĂągĂ©es. Il a insistĂ© sur lâurgence de rĂ©agir vite, car la dĂ©shydratation peut conduire chez la personne ĂągĂ©e Ă des convulsions, voire des troubles de la conscience et mĂȘme le coma.
Papa se sent de plus en plus fatiguĂ©. Avec mon frĂšre, notre diagnostic est clair : papa est dĂ©shydratĂ© et il faut y aller. Au pas de course, Ă Guy la boisson chaude Ă la cuisine et Ă moi la pommade hydratante. Mon cousin Pascal a anticipĂ© le petit dĂ©jeuner Ă quatre temps avec ces recettes improbables qu’il improvise tous les jours. Je ne sais pas s’il y a un lien avec ma constipation mais je sais que cette pĂ©riode a rĂ©vĂ©lĂ© ses talents cachĂ©s de cuisinier. Si la crise perdure il pourra se reconvertir. Il dĂ©teste m’entendre le dire, alors je l’Ă©cris ici.
« Tout mon corps semble sous lâeffet des flammes. Regarde mes doigts.. ». « Soyez courageux. Il faut tout envisager mĂȘme le pire … »
Câest comme un signe du destin. La pommade Biafine que le mĂ©decin mâa vendu hier va entrer en service. Câest la premiĂšre fois en deux ans quâon va donner un remĂšde Ă papa sans lui avoir lu toute la notice. Et expliquer chaque terme « bizarre ». Sinon rien. Il mâa Ă©tĂ© dit du Biafine quâil est indiquĂ© pour le traitement des brĂ»lures, des plaies superficielles non infectĂ©es aprĂšs radiothĂ©rapie.
MON FRERE A CONSTRUIT UN CORDON SANITAIRE AUTOUR DE SON PĂRE
Jâai appliquĂ© de larges couches de cette Ă©mulsion blanche et fraiche sur les parties douloureuses. Il a bu son thĂ© avec beaucoup de volontĂ©. Et trĂšs vite, il sâest senti mieux. Il nâen revenait pas. Il mâa arrachĂ© le tube de biafine entre les mains et la phase des questions sâest ouverte par un « Mon pĂšre, la pommade lĂ agit au-delĂ de la peau pour toucher les os Ă lâintĂ©rieur ? Quand tu mâen parlais hier, je me disais que câest juste une pommade de plus. Me voici qui marche, alors que toute la nuit, me tenir debout sur mes deux jambes, câĂ©tait lâenferâŠ! ».
06h30: La sĂ©ance dâĂ©criture des derniĂšres volontĂ©s dâOfficier est suspendue et renvoyĂ©e Ă une date ultĂ©rieure.
Papa savoure un moment de calme. Avant la prochaine tempĂȘte comme il dit. Je retourne mâallonger un moment. Je nâavais en fait pas pu dormir au milieu des vibrantes quintes de toux de papa. Jâai vraiment cru que câĂ©tait la fin. Jâai rĂ©alisĂ© (peut-ĂȘtre enfin) que mon papa pouvait partir Ă tout moment. Je vais y rĂ©flĂ©chir.
Guy regagne directement la nouvelle salle de cours improvisĂ©e dans la maison pour prĂ©parer les tĂ©lĂ©-enseignements avec ses filles. Je mâinstalle pour Ă©couter la radio, cette radio qui me relie au Cameroun. ABK Matin passe depuis un peu plus dâune heure. Et alors que mes oreilles sont tournĂ©es vers Douala, mon esprit dĂ©ambule ici …
Et si on parlait de la maladie de papa ?
Lui mĂȘme en parle aujourdâhui comme dâautres prĂ©sentent leurs dĂ©corations. « Brigadier Leupi Ă la retraiteâŠA 84 ans, deux cancers et toujours debout. Jâai acceptĂ© que mon cas serve pour des Ă©tudes sur la maladie. Les 8 mĂ©decins blancs qui me suivent ne comprennent pas comment je suis encore debout. Vous pouvez vous vanter ». il y a une forme de jubilation dans sa voix. Une ode Ă la vie.

En fait câest lui qui sâen vante. Nous nous contentons de remercier le Ciel pour cette grĂące. Car mis Ă part ces moments dâatroces douleurs et cette toux qui sait tour Ă tour ĂȘtre rauque, aboyante ou comme un phoque, papa est totalement lucide et tient Ă assumer son rĂŽle de Chef de clan. Autonome avec autoritĂ© de la chose jugĂ©e.
Ses deux tumeurs sont lâune aux poumons et lâautre Ă la prostate. Les deux tumeurs ont Ă©tĂ© jugĂ©es inopĂ©rables ou pas nĂ©cessaire Ă ĂȘtre opĂ©rĂ©es. Toujours est-il que quand une tumeur est jugĂ©e inopĂ©rable mais reste localisĂ©e au thorax par exemple, une radiothĂ©rapie est indiquĂ©e. Elle peut ĂȘtre associĂ©e Ă une chimiothĂ©rapie, comme ce fut le cas chez lui ; GĂ©nĂ©ralement, câest selon lâĂ©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral du patient. Et lui a le privilĂšge dâĂȘtre de constitution trĂšs solide. Avant la derniĂšre crise qui a nĂ©cessitĂ© une Ă©vacuation Ă l’Ă©tranger, il y a un peu plus de deux ans, papa ne manquait aucune Ă©dition des « 10Km du CĆur ».
La radiothĂ©rapie est indolore sur le moment, mais elle peut entraĂźner un certain nombre dâeffets secondaires qui apparaissent progressivement au fil des sĂ©ances. Ils peuvent disparaitre habituellement quelques jours Ă quelques semaines aprĂšs lâarrĂȘt du traitement. Par exemple, les patients peuvent prĂ©senter une fatigue inhabituelle, une dĂ©glutition douloureuse, une toux irritante et des rĂ©actions cutanĂ©es. Lesquelles sont rĂ©duites si nĂ©cessaires avec des anti-inflammatoires. Pour des personnes trĂšs ĂągĂ©es comme papa, des effets peuvent se prolonger du fait de la fragilitĂ© du patient Ă rĂ©parer « naturellement » les agressions que son corps a subies.
La radiothĂ©rapie cause des dommages aux cellules cancĂ©reuses, mais elle peut aussi endommager les cellules saines qui se trouvent dans la zone de traitement. Les dommages causĂ©s aux cellules saines provoquent des effets secondaires. Comme ces douleurs osseuses sur les vertĂšbres lombaires qui rendent la vie de Papa si pĂ©nible. Je suis arrivĂ© avec lui en France pour revoir ses mĂ©decins. Et coronavirus sâest invitĂ© au banquet. A ce jour, tous les rendez-vous sont annulĂ©s et il nâa pas encore vu un mĂ©decin. Dans cette tragĂ©die qui Ă©branle nos modes de vie et de communication, le cas de lâofficier Leupi ne relĂšve plus dâune urgence.
15h: L’enterrement de Manu et la deuxiĂšme mort dâAlain
Ce matin jâai reçu deux messages qui ont mis en lambeaux un cĆur dĂ©jĂ soumis Ă rude Ă©preuve. Tonton Manu sera mis en terre ce vendredi dans la stricte intimitĂ©. Jâai donc une forte pensĂ©e pour la scĂšne qui se dĂ©roule au cimetiĂšre du PĂšre Lachaise dans le 20Ăš arrondissement de Paris. Ce cimetiĂšre est rĂ©putĂ© le plus grand cimetiĂšre parisien intra muros et l’un des plus cĂ©lĂšbres dans le monde. Nombre de cĂ©lĂ©britĂ©s y sont logĂ©es. DâOscar Wilde Ă Jim Morrison, de Maria Callas Ă Edith Piaf. Manu va y passer lâĂ©ternitĂ© aux cĂŽtĂ©s dâautres lĂ©gendes comme lui.
Normalement fermĂ© pour cause de cette vilaine pandĂ©mie, le cimetiĂšre a Ă©tĂ© ouvert sur autorisation spĂ©ciale du PrĂ©fet de Paris pour recevoir ce citoyen dâhonneur.
Manu a habitĂ© cet arrondissement pendant plusieurs annĂ©es. Câest lĂ -bas, quâa eu lieu notre premiĂšre rencontre, au milieu des AnnĂ©es 90. Il y recevait trĂšs souvent autour dâune tasse de cafĂ©, dans un Bar-Tabac situĂ© au pied de son immeuble.
Lâautre message mâannonce que mon regrettĂ© frĂšre et ami Alain Siekappen sera incinĂ©rĂ© le Mardi 31/ 03/2020 de 13h30 Ă 14h30. Le programme parvenu Ă la famille relĂšve du rĂ©gime militaire.
- Mise en BiÚre : 13h30 HÎpital Delafontaine à Saint Denis. Suite à la réglementation gouvernementale du COVID 19 aucune présence ne sera admise à la chambre mortuaire.
- Départ : à 14h00.
- Crémation : 14h30 Crématorium des Joncherolles (95 rue Marcel Sembat 93430 Villetaneuse). Suite à la réglementation gouvernementale du COVID 19 aucune présence ne sera admise au crématorium.
- Remise de lâurne au dĂ©pĂŽt du crĂ©matorium jusquâĂ nouvel ordre. Ensuite vos pourrez prendre un rendez-vous pour la restitution de lâurne avec votre piĂšce dâidentitĂ©
Lâauteur de cette littĂ©rature funĂšbre ne mesure pas combien ces mots sonnent pour nous Africains comme un dĂ©sastre. Un non-deuil ; pire que la mort physique dâAlain, câest la 2e mort dâAlain. Je me mets Ă la place de Miriam. La lecture est dĂ©chirante. Mais je nâen veux pas Ă lâauteur. Il fait son travail.

Pour les salariĂ©s de pompes funĂšbres, faire respecter les rĂšgles hygiĂ©niques comme Ă©viter les contacts, n’est pas une mince affaire auprĂšs des familles. Le Haut conseil de la santĂ© publique en France a prĂ©conisĂ© de son cĂŽtĂ© que les corps des dĂ©funts soient placĂ©s dans des housses mortuaires Ă©tanches, et hermĂ©tiquement fermĂ©es avant d’ĂȘtre transfĂ©rĂ©s en chambre mortuaire. Faute de donnĂ©es officielles sur la contagiositĂ© des dĂ©funts, le secteur des pompes funĂšbres est nerveux.
Protégeons nos vieux. Il est déjà 20h.
Jâentends dĂ©jĂ monter la clameur des applaudissements de ce peuple qui sait dire Merci et cĂ©lĂ©brer ses hĂ©ros. MĂȘme les plus ordinaires comme le corps mĂ©dical ici cĂ©lĂ©brĂ© pour son dĂ©vouement. Je repense Ă Manu. Et toute cette dĂ©sacralisation orchestrĂ©e jadisâŠ
Je pense Ă cette littĂ©rature de la connerie qui a Ă©mergĂ© ces jours-ci sur les rĂ©seaux sociaux pour demander « ce que Manu a fait pour son pays ». Il nâaurait pas construit immeubles, conservatoires et autres restaurants, cabarets peut-ĂȘtre. Pourquoi pas des auberges (chambres de passe Ă la camerounaise) pendant quâon y est. Ces nouveaux temples de notre cul-ture.

A qui viendrait en France lâidĂ©e de demander ce que « Johnny a apportĂ© Ă la France » ? MĂȘme toutes ses frasques nâont pas Ă©cornĂ© lâimage de lâidole des jeunes devenue vache sacrĂ©e de toute une nation. On nây touche pas. Câest quoi cette dictature de la bĂȘtise ? Nous rĂ©sisterons.  En me baladant tout Ă lâheure sur facebook, jâai lu des choses qui mâont donnĂ© envie de tremper ma plume dans du vinaigre. Heureusement que sur les rĂ©seaux, on fait aussi dâimprobables et jouissives rencontres comme chaque fois sur le mur dâAchille Mbembe. Son post de ce vendredi aprĂšs-midi portait un passage troublant. Il Ă©crit :
« En milieu dâaprĂšs-midi, je reçois un message Ă©crit de lâune des plus grandes agences dâinformation au monde. On me demande si jâaccepterais de contribuer Ă la rĂ©daction de lââobituaryâ du PrĂ©sident de la RĂ©publique du Cameroun, Monsieur Paul BIYA. On mâexplique que la requĂȘte peut paraĂźtre Ă©trange, mais que de telles notices, Ă©crites du vivant de lâintĂ©ressĂ©, sont choses courantes. Je le savais. Je ne souhaite pas la mort au Chef de lâEtat camerounais. Contribuer, alors qu’il est encore vivant, Ă lâĂ©criture de sa notice nĂ©crologique ne me convient absolument pas ».
Je suis dâaccord avec lui.
Dans le forum whatsapp de la rĂ©daction dâABK Radio, je vois passer un courrier du PrĂ©sident du MRC le Pr Maurice Kamto qui en clair, donne 7 jours Ă Paul Biya pour donner « des signes de vie » si je puis me permettre. Câest troublant tout ça.
Puis une dĂ©pĂȘche de lâAFP indique comment en Espagne on franchit le mur de lâhorreur dans les maisons de retraite. Impossible dâĂ©vacuer tous les corps. Plus de 2/3 des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es dans ce pays ont plus de 80 ans. Je pense encore Ă papa, mais pas seulement. Le virus tueur des vieux est impitoyable. ProtĂ©geons les nĂŽtres.
Entre temps, la combinaison chloroquine et un antibiotique semble porteuse dâespoir.
Le Dr Raoult a fait bouger les lignes. Il revendique plus de 700 patients traitĂ©s Ă Marseille. Lueur ou Ă©clair dâespoir ?
Le Pr Raoult a fourni quelques dĂ©tails sur le protocole qui a Ă©tĂ© appliquĂ© aux 24 patients de son Ă©tude : « Nous avons utilisĂ© la posologique que nous connaissons le mieux : 600 mg par jour, indique-t-il. L’hydroxychloroquine est un mĂ©dicament extraordinairement tolĂ©rĂ©, qui est donnĂ© pendant 10 Ă 20 ans aux patients atteints de maladies inflammatoires. C’est un dĂ©rivĂ© de la chloroquine qui est utilisĂ©e depuis 60 ans dans le paludisme. »
La chloroquine est largement fabriquĂ©e en Chine. Lâusine du monde semble Ă lâarrĂȘt. On va tous y passer.

PubliĂ©e par le journal de l’universitĂ© du Zhejiang le 6 mars, une Ă©tude chinoise s’est intĂ©ressĂ©e au cas de 30 patients atteints par le Covid-19. La moitiĂ© d’entre eux a pris de l’hydroxychloroquine, un antipaludĂ©en dont l’utilisation fait dĂ©bat en ce temps de pandĂ©mie. AprĂšs sept jours de traitement, 13 des 15 patients traitĂ©s ont Ă©tĂ© testĂ©s nĂ©gatifs au virus. « Pour le groupe qui n’Ă©tait pas sous hydroxychlororquine, ce chiffre Ă©tait de 14. Et le temps mĂ©dian pour guĂ©rir Ă©tait similaire pour les 30 participants, tous atteints de formes modĂ©rĂ©es. Cependant, cette Ă©tude diffĂšre trop de celle de Didier Raoult, fervent promoteur de la chloroquine, pour crĂ©er une vĂ©ritable comparaison. Par exemple, les doses d’hydroxychloroquine administrĂ©es sont plus faibles chez les Chinois. En outre, le faible nombre de participants ne permet pas de conclure. ».
Le Premier ministre Edouard Philippe de France a annoncĂ© la prolongation des mesures de confinement pour au moins deux semaines supplĂ©mentaires. La date de la fin du confinement est donc dĂ©sormais (et pour le moment) le 15 avril 2020. Il est temps que je m’achĂšte un nouveau pantalon jean.
Un autre petit Ă©clair dâĂ©motion cet aprĂšs-midi, un appel de mon ancien Directeur gĂ©nĂ©ral. M. Joel Nana Kontchou prenait les nouvelles du « confinĂ© ».
Lui, si rare en gĂ©nĂ©rositĂ© mâa dit une ou deux choses sur ABK Radio qui ont valeur de compliments superlatifs. Jâen Ă©tais Ă©mu. J’en ai profitĂ© pour en savoir plus sur ses activitĂ©s actuelles et j’ai appris qu’il prĂ©pare un livre et de nombreux autres projets Ă fort impact sur les jeunes. Cela m’a fait plaisir. Il a tant d’expĂ©rience Ă partager. Je l’imagine d »ailleurs donnant confĂ©rences de haut niveau et sĂ©minaires pour des « Executives ».
Je reviendrai un jour sur son style de management qui a anticipĂ© mon dĂ©part d’une entreprise pour laquelle j’aurais pu apporter encore une ou deux choses qui me tenaient Ă cĆur. Toujours est-il que c’est l’un des esprits les plus aboutis que j’ai rencontrĂ©s dans ma vie. Il a le dĂ©faut des premiers de la classe. Ce type de camarades qui en venaient Ă vous Ă©nerver au lycĂ©e par la facilitĂ© avec laquelle ils captaient au premier coup les Ă©quations les plus complexes et ne comprenaient pas que vous ne compreniez pas des choses « aussi Ă©videntes ». Ils Ă©taient sincĂšres et…Ă©nervants.
Avec JNK, assertivitĂ©, agilitĂ© empathique, intelligence Ă©motionnelle sont bouffĂ©s au petit dĂ©jeuner. Ce qui consomme la force de travail du « collaborateur mĂȘme le plus modĂšle ». On y laisse beaucoup d’Ă©nergie. EntraĂźnant lâangoisse de ne pas ĂȘtre Ă la hauteur, une imagination peu fertile sur ce qui serait supposĂ© plaire au chef, en somme lâantichambre du burn out. Je n’en Ă©tais pas si Ă©loignĂ©.
Si vous croyez que Dieu nâexiste pas, regardez Boris Johnson. Seules mes valeurs chrĂ©tiennes mâempĂȘchent de me rĂ©jouir de ce qui lui arrive.
Mais pour en revenir au flux d’informations que nous recevons.. Si vous croyez que Dieu nâexiste pas, regardez Boris Johnson. Seules mes valeurs chrĂ©tiennes mâempĂȘchent de me rĂ©jouir de ce qui lui arrive. « Au cours des 24 derniĂšres heures, j’ai dĂ©veloppĂ© des symptĂŽmes bĂ©nins et j’ai Ă©tĂ© testĂ© positif pour le coronavirus. Je me suis isolĂ©, mais je continuerai de diriger la rĂ©ponse du gouvernement par vidĂ©oconfĂ©rence alors que nous combattons ce virus« . DerniĂšrement, Boris Johnson a Ă©tĂ© au centre de plusieurs polĂ©miques, refusant dans un premier temps d’arrĂȘter de serrer la main de ses interlocuteurs puis en misant sur « l’immunitĂ© collective » face au Covid-19, avant de se raviser.
AprĂšs les applaudissements de ce soir, un Ă©pais nuage de calme couvre Ă nouveau le quartier. En temps ordinaire, assis Ă cette fenĂȘtre, jâentends en fond sonore passer un train toutes les quinze minutes. La gare de la Garenne-Colombes nâest pas loin et le Tram 2 longe lâaxe routier DĂ©fense-Pont de BĂ©zons. On dirait que la vie sâest arrĂȘtĂ©e dans ce pays. Et il ne donne pas lâimpression de sâĂ©crouler. LâĂ©difice est-il aussi solide quâil en a lâair ?.
Et ce samedi se tient au Cameroun une veillĂ©e chez la maman dâAlain Ă lâentrĂ©e Crtv Mballa 2 Ă YaoundĂ©. Je nây serai pas. Je suis presque soulagĂ© dâĂ©chapper Ă ce moment oĂč il faudra bien croiser le regard de maman et lui dire quelque chose. Mais alors quoi ? Bon courage Ă vous Serge-Alain, Martial, Jackson, et tous les amis qui iront passer un moment avec la maman dâAlain. Alain, mort dans lâexercice de son mĂ©tier.
Demain je vous parlerai de mon Manu. En tout cas jâespĂšre trouver assez de souffle pour y arriver.
Alex Siewe
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Le journal d un confiné
đ La Garenne-Colombes- Samedi 21 mars : Alain est mort !
La mort d’Alain, les transports en commun, le coronavirus et moi. Voyage en milieu hostile
Publié
il y a 10 moisLe
22 mars 2020
Lâappel a durĂ© 1m33 secondes exactement. Jâai dĂ» placer 3 mots du type Aie, Aie, Aie !!! . Et puis je suis parti. Au bout du fil, Alain Blaise (ABB) me racontait sans doute le rĂ©cit reçu de Miriam, la femme dâAlain. Je lâĂ©coutais de loin. Comme une voix dâoutre-tombe. Il avait pris la voix dâAlain son jeune homonyme. Il avait donc Ă©tĂ© admis en soins intensifs il y a quelques jours et trĂšs vite isolĂ© de sa famille. Il parait quâĂ ce stade, quand on souffre du Covid-19, on est plongĂ© dans « Une sorte de zone marginale inaccessible aux vivants et qui nâest pas encore la mort. ». Cet espĂšce dâailleurs que Robert Badinter a dĂ©crit en racontant lâexĂ©cution de Roger Bontems, guillotinĂ© en 1972 Ă la prison de la SantĂ©. Etre en rĂ©a comme ĂȘtre condamnĂ© Ă mort. Jâai lu un « marginal » Professeur Marseillais dire quâon va en rĂ©animation pour mourir car « Pour l’instant, les cas graves sont ceux qui ne sont ni dĂ©tectĂ©s, ni traitĂ©s et qui arrivent avec une insuffisance respiratoire trĂšs grave.»
« A 45 ans, Alain champion de KaratĂ©, nâa pas tenu plus de 10 jours, mis KO par le Covid19. »
Le mĂȘme Pr Didier Raoult raille cette espĂšce de soufflet anxiogĂšne qui monte car pour l’instant dit-il, on a plus de chance de mourir d’autres choses que du Covid-19. Pour lui, la chloroquine guĂ©rit. Et pourtant Alain est bien mort. Il nâavait ni un « grand Ăąge », ni ne semblait avoir souffert de prise en charge tardive. Câest les principaux facteurs de mortalitĂ©. Et pourtant, Ă 45 ans et de constitution Robuste, Alain mon champion de KaratĂ©, nâa pas tenu plus de 10 jours, mis KO pour un organisme microscopique. Quand on est aussi « gĂ©ant », peut-on sâalarmer de fiĂšvre, de toux sĂšche, de quelques courbatures, de maux de tĂȘte ? Quand on pilote la stratĂ©gie de sĂ©curitĂ© dâun des plus grands centres commerciaux de la ville lumiĂšre, peut-on sâinquiĂ©ter dâune banale attaque grippale, mĂȘme si elle provoque une sensation d’oppression ou dâessoufflement. ?

La voix dâABB est Ă©raillĂ©e, diffĂ©rente de celle que ses amis lui connaissent. Des exclamations interrompent Ă intervalle rĂ©gulier une envie de tĂ©moigner. Câest que Alain-Blaise dâordinaire enclin Ă distiller de petites blagues, en a gros sur la patate. Aussi loin que je me souvienne, Alain est, depuis longtemps Ă Paris, lâun de ses petits-frĂšres les plus disponibles.
En lâĂ©coutant, jâai commencĂ© Ă imaginer la dĂ©tresse respiratoire dâAlain dans lâambulance ; le colosse entrain dâen rigoler avant de sâĂ©crouler. Je doute mĂȘme quâil ait eu le rĂ©flexe dâenvoyer des bisous Ă sa fille de six ans. Convaincu que « ce nâĂ©tait rien » et quâil reviendra le lendemain. Et lĂ , on me disait quâil est AllongĂ©. Inerte. Quand Alain-Blaise a raccrochĂ©, il a promis de mâenvoyer un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone. Assis en face de moi, Papa a bien compris quâil sâĂ©tait passĂ© quelque chose de grave. Jâai forcĂ© un sourire. Sa santĂ© est trĂšs fragile. Il sâinquiĂšte de la mienne aux prises avec ce confinement. Et Ă la perte brutale il y a quelques jours dâun mentor. Jean-Michel, lui aussi, est parti suivant le mĂȘme rituel. Seul. ConfinĂ© dans une salle de rĂ©animation.
Jâai commencĂ© Ă imaginer Ă quoi avaient ressemblĂ© leurs derniĂšres heures de souffrance. Il parait que quand tu Ă©puises tes derniĂšres rĂ©serves du souffle de vie, tu en as conscience. Ont-ils profitĂ© de ces quelques instants de luciditĂ© pour sâadresser une derniĂšre fois aux gens quâils ont aimĂ©s et qui continuent Ă les aimer ?. Alain a-t-il pensĂ© Ă sa maman et Ă comment il faudra lui expliquer quâelle ne verra pas les restes de son fils chĂ©ri ? ont-ils pensĂ© Ă leurs enfants, Ă leurs amis ou aux proches collĂšgues ? Quâont-ils dit Ă chacun ? Jean-Michel a-t-il dit Ă PĂ©lagie, son Ăąme sĆur « ChĂ©rie Je tâaime. Je vais tâattendre de lâautre cĂŽté»
Alain a-t-il pensĂ© Ă son fils, en lui envoyant un « Sois fort, quoi quâil arrive, nâoublie pas que Dieu veille sur toi ». A-t-il plutĂŽt implorĂ© la pitiĂ© du Seigneur pour nâavoir pas cĂ©dĂ© assez tĂŽt aux inquiĂ©tudes de Myriam ? Lui le croyant peu zĂ©lĂ©, a-t-il osĂ© un « JĂ©sus, prends pitiĂ© et veille sur Myriam et ma fille » ?

Alain a-t-il pensĂ© Ă son fils, en lui envoyant un « Sois fort, quoi quâil arrive, nâoublie pas que Dieu veille sur toi ». A-t-il plutĂŽt implorĂ© la pitiĂ© du Seigneur pour nâavoir pas cĂ©dĂ© assez tĂŽt aux inquiĂ©tudes de Myriam ? Lui le croyant peu zĂ©lĂ©, a-t-il osĂ© un « JĂ©sus, prends pitiĂ© et veille sur Myriam et ma fille » ?
JâĂ©tais plongĂ© depuis 2h dans ce tunnel noir quand mon frĂšre Guy mâa tendu ma premiĂšre tasse de cafĂ© de la journĂ©e. Il est pratiquement 15h.
Il venait de passer le 3e coup dâĂ©ponge et de serpillĂšre javellisĂ©e sur tous les points de contacts partagĂ©s de la maison. Une espĂšce de barriĂšre sanitaire invisible. Cette odeur dâacide chlorhydrique, trĂšs caractĂ©ristique de l’eau de Javel, a quelque chose de rassurant. Une peu comme lâencens au cours du rituel chrĂ©tien.
Toute lâaprĂšs-midi, les seuls mouvements dans notre appartement de 70 mĂštres carrĂ©s se rĂ©sument donc Ă aller de la table au rĂ©frigĂ©rateur, du rĂ©frigĂ©rateur au canapĂ© puis du canapĂ© au rĂ©frigĂ©rateur et enfin du rĂ©frigĂ©rateur au lit. Jâavais dĂ©jĂ eu un rĂ©veil difficile. Alourdi sans doute par le poids des nouvelles qui mâattendaient. Couche-tard, je me suis permis une grasse matinĂ©e. EncouragĂ© par la nuit paisible de Papa. Ni cauchemars, ni douleurs atroces comme souvent, il a dormi dâun trait, Ă peine perturbĂ© par deux pauses-pipi. Il mâarrive aussi souvent de faire de petites pauses pour aller aux toilettes. Je profite de ces moments pour mâassurer que Papa est bien couchĂ©. Jâai quittĂ© mon lit Ă 11h et Ă 12h30, le coup de massue.
Je dors peu. Jâai laissĂ© une barbe de trois jours opportuniste sâinstaller sur mon visage et des cernes se creusent. Mon ventre laisse entrevoir des masses disgracieuses. La sĂ©dentaritĂ© en marche. Dâici deux semaines, je pense que je ressemblerai au rĂ©sultat dâun croisement entre un alien en surcharge pondĂ©rale et Mboua Massok.
Autour de 13h, jâai reçu un message de Serge-Alain Godong qui me parle du dĂ©part dâAlain.
Câest dĂ©jĂ lui qui mâavait alertĂ© de son Ă©tat critique 3 jours plus tĂŽt. Encore sous le choc de la disparition de Jean-Michel Denis, je pariais que Dieu ne pouvait pas autant nous assommer la mĂȘme semaine. En plus, on parlait dâun Roc quand mĂȘme. Rien Ă voit avec nous et nos douteuses aptitudes physiques. Plusieurs champion de KaratĂ© au Cameroun et en France, Alain tenait Ă la fois de la figure du pompier comme de lâhomme dâacier, hĂ©ros de nos BD de jeunesse. Dans mon rĂ©pertoire tĂ©lĂ©phonique, son nom est « Alain KaratĂ© », enregistrĂ© depuis notre premiĂšre rencontre, en hommage Ă sa force titanesque rĂ©putĂ©e invulnĂ©rable Ă mes yeux. Câest Serge-Alain Godong qui mâa prĂ©sentĂ© ce gentil garçon aux joues de porcelaine un soir, Ă la fin des annĂ©es 90. Alain commençait Ă sâennuyer au pays et voulait sâexpatrier pour se mesurer aux plus grands. Je lây ai plus quâencouragĂ© et nous nâavons jamais regrettĂ© ce choix de le faire partir. En France, ses aptitudes athlĂ©tiques et son attitude chevaleresque ont favorisĂ© intĂ©gration et ascension sociale. Il sâĂ©tait mis aux services de son art (martial) et faisait profiter de son expĂ©rience aux plus jeunes dans la diaspora comme au Cameroun..
Serge-Alain est autant abattu par la perte de son frĂšre que par la force dont il aura besoin pour aller annoncer la terrible nouvelle Ă leur maman. Notamment lâabsence de corps. Toute la scĂ©nographie mortuaire chez nous Ă©tant Ă©tablie autour du corps, comment gĂ©rer ce deuil sans ? Comment, surtout, l’expliquer aux autres, aux anciens, et surtout Ă Maman ? Je nâai pas de rĂ©ponse pour lui.

Serge-Alain est autant abattu par la perte de son frĂšre que par la force dont il aura besoin pour aller annoncer la terrible nouvelle Ă leur maman. Notamment lâabsence de corps.
Oui, Serge-Alain Godong le Maka de lâEst et Alain Siekappen le fils des Bana Ă lâOuest, sont « frĂšres » ; sans aucun lien de parentĂ© au sens tribal du terme. Par lâune de ces magies que le « vivre ensemble » a su engendrer dans notre pays. Jây reviendrai un de ces jours.
20h : jâentends monter la clameur des applaudissements du balcon de nos voisins.
Comme tous les soirs, ils rendent ainsi hommage au personnel soignant qui est au front de cette lutte Ă mort contre le coronavirus. Lâonde traverse le quartier. Ce rituel est nĂ© en Italie et en Espagne oĂč des scĂšnes dâapplaudissements en soutien aux soignants ont fleuri. Les Français sây mettent. Avant-hier, Ă 20 h, Paris a applaudi Ă son tour les personnels hospitaliers, en premiĂšre ligne face Ă la pandĂ©mie de coronavirus Covid-19.
Je lis dans un fil dâactualitĂ© sur Whapps que le PAN le TrĂšs honorable Cavaye YeguiĂ© a Ă©tĂ© testĂ© positif au coronavirus. JâespĂšre que câest un fake. Et puis je me dis pourquoi pas ? Cela ne me suscite aucune Ă©motion particuliĂšre. Je pense surtout aux victimes potentielles. Jâai vu un membre du gouvernement Ă portĂ©e de ses Ă©ternuements et Ă lâAN des dĂ©putĂ©s lâont chaleureusement saluĂ©. Sans aucun respect des consignes. Pourquoi bravent-ils ces consignes ? LâimmunitĂ© parlementaire ne couvre pas les risques sanitaires mes chers honorables.

21h : PrÚs de 800 nouveaux décÚs en Italie. Plusieurs messes ne suffiront pas.
Kenny Rogers est mort Ă 81 ans. Cette lĂ©gende de la musique country a envahi mon univers quand jâĂ©tais lycĂ©en. RecommandĂ© par mon vendeur de cassettes qui nâavait pas pour moi le Best of de Don Williams que je cherchais. Je lui en sais grĂ© jusquâĂ ce jour. « U decorated my life », « Donât fall in love with a Dreamer », « lady »âŠque des tubes qui mâont jadis aidĂ© Ă amĂ©liorer mon vocabulaire de mots charmants en anglais. MĂȘme si cela nâa finalement pas servi Ă grand-chose. Il en fallait plus pour faire tomber les filles au lycĂ©e polyvalent de bonaberi ces annĂ©es- lĂ ..
alexandresiewe@gmail.com
A SUIVRE…..
Le journal d un confiné
đ La Garenne-Colombes – Vendredi 20 mars : le Ministre va parler
Je me suis rĂ©veillĂ© relativement tĂŽt. A 8h je suis assis devant mon ordinateur et jâĂ©coute en streaming ABK Radio.
Publié
il y a 10 moisLe
21 mars 2020
La Garenne-Colombes – Vendredi 20 mars 2020 : le Ministre de la SantĂ© publique va parler
Luc Ngatcha et sa joyeuse bande sont trĂšs en forme et lâinterview avec leur invitĂ© le Dr Nana est dâexcellente qualitĂ©. Je suis ravi de lâĂ©couter Ă travers lapplication. Son intervention est encore plus percutante que la tribune quâil mâa fait parvenir et dont le titre Ă©tait osĂ© : Pourquoi il faut passer Ă la phase III ? Autrement le fameux confinement total tant redoutĂ©
Dr Albert Nana propose que le pays passe directement au confinement total. Et je lâĂ©coute entrain dâexpliquer les raisons. Je suis convaincu. Entre la vĂ©tustĂ© du plateau technique de certains hĂŽpitaux et la faiblesse du nombre de lits Ă©quipĂ©s pour gĂ©rer ce type dâĂ©pidĂ©mie, il semble Ă©vident que nous ne pouvons pas prendre le risque de voir une Ă©pidĂ©mie sâinstaller. Les pertes risquent dâĂȘtre Ă©normes. « Le confinement est la solution pour arrĂȘter la dissĂ©mination du COVID-19 au sein de la population camerounaise, car elle progresse sans quâon puisse dĂ©terminer de maniĂšre claire ni leur parcours, ni le nombre de personnes que les contaminĂ©s ont rencontrĂ©s sur leur chemin » assĂšne t-il.

Câest une Ă©dition spĂ©ciale dâABK Matin. Car enfin le Ministre de la SantĂ© publique a confirmĂ© quâil rĂ©pond en Direct Ă nos questions Ă 9h exactement. PlutĂŽt deux fois quâune, il mâa Ă©crit. ce sera sa premiĂšre interview en direct Ă une radio depuis sa confĂ©rence de presse sur la pandĂ©mie actuelle. A 8h32 je lui envoie une copie de la tribune du Dr Nana que nous avons publiĂ© sur notre plateforme www.abkradio.com. Je tiens Ă ce quâil en prenne connaissance car nous entendons lui demander son avis sur lâoption du Confinement total qui y est proposĂ©e. Quinze minutes aprĂšs mon envoi, il nâa toujours pas lu mon message. Je vois se profiler le spectre dâun nouvel imprĂ©vu dans son programme et doc d’un nouveau report. D’ici je lis dĂ©jĂ les posts assassins de certains sur notre « amateurisme ». Pour conjurer le mauvais sort, je croque une pomme froide et jâouvre la fenĂȘtre pour respirer un grand coup. Il ne fait pas beau.
Dans le forum Whapps, je lis Luc qui s’angoisse. Cela se traduit Ă l’antenne souvent par des « absences ». Il n’est jamais loin; il est au tĂ©lĂ©phone entrain de convaincre un invitĂ© sans doute hĂ©sitant. Je demande Ă la rĂ©alisation dâappeler en avance le Ministre prĂ©textant un test du niveau de son. S’il dĂ©croche on le mettrait directement en Stand by. En attendant le rĂ©sultat du « test », je me sers un cafĂ© en Ă©coutant lâinterview du Dr Albert Nana. A 9h le verdict tombe : son aide-camp dĂ©croche et confirme que le Ministre sera prĂȘt Ă 9H10 exactementâŠ
Dans les diffĂ©rents dĂ©partements c’est le branle-bas. Il faut assurer un relais Ă la fois efficace et large des propos du Ministre sur nos diverses plateformes et relais digitaux. LâĂ©quipe en plateau, Mireille et Nadine, va assurer la transcription au premier niveau. Achille Assako et son Ă©quipe tiennent la seconde ligne et moi jâassure le dernier ressort. MĂȘme Faustin Arcade le boss de la plateforme digitale sâest rendu disponible en dĂ©pit du dĂ©calage horaire avec MontrĂ©al au Canada.

A 9h10 exactement, le Ministre ne dĂ©croche pas. Je guette son whapps pour voir s’il est en ligne. Silence radio.
9h20 il rappelle lui-mĂȘme. Quand j’entends Luc dire Bonjour et Bienvenue Ă M. le Ministre. Je promets Ă mes ancĂȘtres de leur sacrifier une poule ( on dit dans ma langue…lancer la poule) Ă mon prochain voyage Ă FombĂ©lĂ©. ça amuse mon pĂšre qui ne croit plus en « ces choses » aprĂšs m’y avoir initiĂ©. Il se fout de ma gueule.
D’ici, la qualitĂ© du son est limpide. Et ceci nâest pas uniquement dĂ» Ă la qualitĂ© de notre streaming. Bien que le dispositif mis en place par mon complice de 25 ans, Faustin Arcade obĂ©isse aux standards les plus Ă©levĂ©s.
Le Ministre ouvre son propos en disant ses regrets pour le premier rendez-vous manquĂ©. Et mĂȘme pour le « retard » de ce matin. Ses mots sont bienveillants et sincĂšres. Un Ministre de la RĂ©publique qui sâexcuse auprĂšs d’un journaliste pour une absence due pourtant Ă un cas de force majeure Ă©vident ?. InĂ©dit ! Dans notre forum whapps, c’est des exclamations. Je suis Ă peine surpris. C’est Ă l’image du personnage que je connais. Lâinterview sâannonce belle. Elle est riche et percutante. Le ministre rĂ©pond Ă toutes les questions sans langue de bois, sauf pour une. Je pense une seconde Ă tous ces confrĂšres et « amis » de la radio qui nous ont fait de dĂ©sobligeantes leçons aprĂšs le premier report. Les contraintes de la production radio au Cameroun sont objectives. Le reste relĂšve parfois de la sorcellerie. Lâinterview a durĂ© 40mn. Nous avons pu Ă©puiser toutes nos questions. Et mon pĂšre m’a posĂ© pour la 5e fois la question de savoir si c’Ă©tait bien le « vrai Ministre de la Santé » sur ABK Radio. En matiĂšre d’information sur la crise du Coronavirus, on a rĂ©ussi avec cette interview un « hat-trick » radiophonique capital. AprĂšs l’Ă©minent chercheur le Pr Eben-Moussi qui a plantĂ© le dĂ©cor et expliquĂ© le contexte et le problĂšme auquel nous faisions face, un mĂ©decin expert, le Dr Nana est venu proposer une approche de solution et le Ministre a dĂ©ployĂ© la stratĂ©gie du gouvernement et les options envisagĂ©es pour barrer la voie Ă cette Ă©pidĂ©mie. Un vrai privilĂšge. J’imagine nos exigeants auditeurs contents de nous. Je me sens fier de mon Ă©quipe et j’imagine Alain Bermond Kanmogne (ABK donc) mon associĂ© et Fondateur de ce mĂ©dia ravi d’Ă©couter la radio utile dont il rĂȘvait. DĂ©finitivement, je me sens bien dans ce projet avec nos petits progrĂšs. « Think Big, Start Small » est d’ailleurs l’Ă©vangile que je partage avec mes collaborateurs. TrĂšs vite, je dois m’Ă©chapper de cet instant d’autocongratulation. Tant de dĂ©fis nous attendent, Ă commencer par la stratĂ©gie d’amplification des propos du Ministre suivant nos protocoles, l’Ă©mission du lendemain et notre approche de traitement Ă long terme de cette pandĂ©mie.
Jâai pour ce Ministre une tendresse qui ne tient pas seulement au dĂ©vouement, Ă la fraĂźcheur et Ă la modernitĂ© quâil apporte Ă la fonction ministĂ©rielle. Son fils twitter est de loin le plus alimentĂ© et le plus suivi des membres de ce gouvernement et Ă ce jour il constitue une source pertinente pour la presse qui suit cette crise sanitaire que nous traversons. Homme de dossiers, cet administrateur civil, Phd en sciences politiques option Relations internationales est rentrĂ© ainsi dans le club fermĂ© des Ministres de moins de 50 ans de notre RĂ©publique. Je lâai connu comme Administrateur de la sociĂ©tĂ© AES-SONEL et son acuitĂ© intellectuelle a toujours Ă©tĂ© inversement proportionnelle Ă sa simplicitĂ©. Il croit Ă la force du raisonnement, Ă lâefficacitĂ© de la compĂ©tence, et Ă la rĂ©flexion en actions.

Je ne mâĂ©tonne plus de constater quâen dĂ©pit de lâĂ©nergie que ses dĂ©tracteurs mettent Ă le dĂ©stabiliser, ce chrĂ©tien fis de Pasteur reste imperturbable. Il est rĂ©solu Ă remporter la bataille du barrage contre le Covid-19. Je lui souhaite de rĂ©ussir. A moins que ce jeune ministre dâavenir ne soit coupĂ© dans son Ă©lan par un sort injuste.
A la tĂ©lĂ©vision, on parle de la colĂšre de Macron. Je le vois assis dans la salle de Cellule interministĂ©rielle de crise relative Ă la pandĂ©mie du coronavirus. Puis face Ă une MĂ©decin qui lui raconte, je devine, comment ils gĂšrent la crise dans leur hĂŽpital. En rĂ©alitĂ© jâai coupĂ© le son de la TĂ©lĂ©. Pour ne pas gĂȘner mon frĂšre cadet Guy qui dans la piĂšce dâĂ cĂŽtĂ©, aide par Skype sa fille aĂźnĂ©e Ă faire son devoir de mathĂ©matiques.


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Rose Ntube Ngole
4 avril 2020 at 01:59
Alex this was a very long but interesting and heartwrenching read with many sub-heads. What got to me was your vivid description of your dad’s illness and what he went through a couple of nights ago. In the same vein, it is comforting to know that not only has your dad made peace with the Lord, but he has children who are taking care of him in the « evening of his life. » This is amazing! The Lord will not forget your labor of love.
I pray that the Lord heals him completely đ in Jesus Name.